Après être arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019, l’un des plus farouches opposant au président Macky Sall qui voulait briguer à nouveau le suffrage des Sénégalais lors de la prochaine présidentielle prévue le 25 février 2024, est condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » assortis d’une amende de 600 000 FCFA, par la Chambre criminelle de Dakar, à l’issue de son procès qui l’opposait à une masseuse.
Ousmane Sonko, inspecteur des impôts et domaines a connu en quelques années une ascension politique fulgurante. De fonctionnaire radié, il devient député à l’Assemblée nationale, puis maire de la ville de Ziguinchor.
Pourquoi Ousmane Sonko a-t-il été radié de la fonction publique ?
Il y a de cela 10 ans, il était encore inconnu du grand public.
C’est sa radiation de la fonction publique qui l’a révélé. C’était le 29 Aout 2016. « Monsieur Ousmane Sonko. Inspecteur des Impôts et des Domaines principal de 2° classe 2° échelon, matricule de solde n°604.122/1, est révoqué sans suspension des droits à pension pour manquement à l’obligation de discrétion professionnelle prévue à l’article 14 de la loi n°61-33 du 15 juin 1961» indique le décret de révocation signé du président Macky Sall.
Cette sanction pour manquement au devoir de réserve fait suite à une série de déclarations faites par l’inspecteur des impôts et domaines quelques mois plus tôt.
A maintes reprises, il a dénoncé ce qu’il affirme être des scandales de détournements de deniers publics ou d’avantages fiscaux indus, impliquant des personnalités du pouvoir.
Cependant, Ousmane Sonko nie toute violation du secret professionnel.
Il précise s’exprimer en tant que chef de parti politique et évoque une disposition de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), qui oblige tous les fonctionnaires à dénoncer toutes malversations financières dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur fonction.
Qu’en est-il de sa carrière politique ?
Ousmane Sonko a officiellement créé son parti politique, Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF) en 2014 alors qu’il était toujours fonctionnaire. Mais, c’est sa radiation, en 2016, qui a contribué à le propulser sur la scène politique.
L’année suivante, en 2017, il prend part aux élections législatives et est élu député à l’Assemblée nationale.
Deux ans plus tard, en 2019, Ousmane Sonko présente sa candidature à la magistrature suprême. Il arrive à la troisième place avec 15,76 % de voix. Il est devancé par Macky Sall, le président sortant qui est réélu pour un second mandat et l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, président du parti REWMI. Ce dernier a par la suite rejoint la coalition au pouvoir, et est actuellement Président du Conseil Économique, Social et Environnemental.
En janvier 2022, le président du PASTEF est élu maire de Ziguinchor, ville située au Sud du pays.
Pour financer les activités de son parti, M. Sonko opte pour le financement participatif. Sa dernière campagne de levée de fonds lancée mi-janvier, a mobilisé plus de 300 millions de francs CFA en 24 h, une première pour un parti politique au Sénégal.
Aujourd’hui, Ousmane Sonko a annoncé sa candidature pour l’élection présidentielle prévue en 2024 mais sa participation pourrait être compromise.
Ousmane Sonko prendra-t-il part à la prochaine présidentielle ?
Depuis mars 2021, l’homme politique est inculpé pour viols et menaces de mort, à la suite d’une plainte d’une employée d’un salon de massage, Adji Raby Sarr. Il réfute toute accusation de viol et crie au complot.
M. Sonko se dit victime d’une tentative de liquidation politique, organisée par le régime en place, pour l’empêcher de se présenter à la présidentielle de 2024.
Mais des membres du parti au pouvoir rejettent catégoriquement cette accusation.
L’affaire dite «Adji Sarr-Sonko» lui a valu la levée de son immunité parlementaire pour les besoins de l’enquête.
Convoqué et sur le chemin du tribunal son convoi est bloqué par les forces de l’ordre. Son arrestation et son placement sous garde à vue, a d’ailleurs suscité une vague de violences meurtrières au cours desquelles 14 jeunes ont perdu la vie.
Au cours de ces manifestations de mars 2021, plusieurs enseignes françaises ont été saccagées. Ousmane Sonko est relâché par la suite, puis mis sous contrôle judiciaire.
Au Sénégal, le viol est criminalisé depuis 2020. Les auteurs de viol peuvent écoper de peine allant de 10 ans à la perpétuité. Ce qui rendrait Ousmane Sonko inéligible s’il est reconnu coupable.
Même s’il est acquitté ce jeudi pour son procès pour viols et menaces de mort, l’opposant Ousmane Sonko ne pourra pas se présenter à la prochaine présidentielle selon ses avocats. En effet, les faits ont été requalifiés en corruption de la jeunesse.
Condamné à 2 ans ferme pour « corruption de jeunesse »
L’opposant sénégalais a refusé de se présenter à son jugement pour viol qui s’est tenu le 23 mai 2023. Jugement pendant lequel les témoins et son accusatrice ont défilé devant la barre jusque tard dans la nuit.
Ousmane Sonko explique son absence du tribunal par sa volonté de désobéissance civique. Il décide donc de se retrancher dans le sud du Sénégal, à Ziguinchor, ville dont il est le maire.
Le verdict du procès est finalement tombé ce 1er juin 2023. Ousmane Sonko est condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » assortis d’une amende de 600 000 FCFA, par la Chambre criminelle de Dakar.
Quelques jours auparavant, M. Sonko avait annoncé son retour à Dakar. Il avait lancé ce qu’il appelle une « caravane de la liberté », un cortège qui l’aurait mené de Ziguinchor à Dakar par la route, à travers quelques grandes villes du pays.
La marche a été interrompue par les forces de défense et de sécurité après des affrontements notés entre les FDS et ses partisants.
Ousmane Sonko a été brièvement arrêté puis amené manu militari à son domicile à Dakar. Il dénonce un kidnapping, tandis que les autorités affirment qu’il a été encadré pour éviter des troubles à l’ordre public.
La tension était à Dakar où des domiciles et des véhicules d’hommes politiques ont été mis à feu, depuis son arrestation et son assignation à domicile.
Ce verdict est tombé au moment où le dialogue national est lancé la veille, mercredi 31 juin, par le président Macky Sall.
Une condamnation pour diffamation
Une autre affaire judicaire a opposé l’homme politique à Mame Mbaye Niang, ministre sénégalais du Tourisme, qui a porté plainte contre M. Sonko pour diffamation.
En effet, Ousmane Sonko avait déclaré au cours d’une conférence de presse que l’ex-ministre de la Jeunesse et de l’emploi a été épinglé par un rapport de l’IGE (l’Inspection générale d’Etat) pour détournement de fonds dans l’affaire dites des 29 milliards de Francs CFA du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (PRODAC).
Un rapport dont le ministre de tutelle conteste l’existence.
Entre temps, M. Sonko est revenu sur ses propos en précisant que le rapport dont il est question est issu de l’inspection Générale des Finances (IGF) plutôt que de l’Inspection Générale d’État (IGE).
Deux autres motifs d’inculpation se sont ajoutés à celle de la diffamation par le parquet: injures publiques et faux et usage de faux.
Après plusieurs renvois, le verdict est tombé ce 30 mars, en l’absence du prévenu.
Ousmane Sonko est condamné en première instance à 2 mois de prison avec sursis et 200 millions FCFA de dommages et intérêts à payer à Mame Mbaye Niang.
Le juge l’a relaxé pour les délits de faux et usage de faux, ainsi que d’injures publiques.
Suite à cette décision du tribunal, le parquet et le ministre Mame Mbaye Niang ont annoncé leur décision de faire appel.
La peine est infirmée en appel et Ousmane Sonko est de nouveau condamné à six mois de prison avec sursis et 200 millions FCFA de dommages et intérêts.
Les avocats de Sonko ont introduit un pourvoi en cassation.
Si ce verdict est maintenu, il pourrait rendre M. Sonko inéligible à la prochaine élection présidentielle prévue en février 2024 à laquelle il a déjà annoncé sa candidature.
Le code électoral sénégalais à l’alinéa 3 de l’article 29 prévoit la non possibilité d’être inscrit sur la liste électorale en cas de condamnation à une peine de trois mois sans sursis ou à une peine d’emprisonnement d’emprissonnement supérieure à six mois avec sursis.
Mais après un long feuilleton judiciaire, un tribunal de Dakar a ordonné jeudi 14 décembre 2023, la réintégration de Sonko sur les listes électorales, ouvrant ainsi la voie à sa candidature à l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Un agent judiciaire de l’Etat a déclaré que l’Etat pourrait faire appel de la décision.
Ses relations avec la France…
«On a été dépeints comme étant des anti-français notoires»
Depuis ses toutes premières sorties publiques, Ousmane Sonko a toujours affiché des positions antagonistes à l’égard des relations qu’entretiennent la France et le Sénégal.
Dans ses discours, le leader du PASTEF incarne une volonté de changement dans ces rapports entre les deux pays tant au niveau économique, que politique.
«Nous n’avons rien contre la France, ni contre aucun autre pays. Nous avons un discours qui peut gêner parce que c’est un discours qui appelle à une rupture dans les relations. Il y a des traditions séculaires entre le Sénégal et la France mais ces traditions sont assises également sur des relations qui ne sont pas totalement roses pour le Sénégal. Nous sommes au XXIème siècle, le monde est en train de changer », soutient-il lors d’une interview accordée à nos confrères de France Médias Monde.
Pourquoi est-il populaire auprès des jeunes ?
Âgé de 48 ans, Ousmane Sonko se veut l’incarnation d’une alternance générationnelle de la classe politique sénégalaise et un nouveau modèle d’homme politique.
Il s’exprime plus sur les réseaux sociaux que les médias conventionnels.
Ses dénonciations de fraudes fiscales, ses récurrentes révélations sur les présumées gabegies de l’État et son discours antisystème et nationaliste trouvent écho favorable chez beaucoup de jeunes sénégalais.
Même si ses détracteurs qualifient son discours de populiste, le leader du PASTEF est adulé par une partie d’une jeunesse frustrée par les inégalités économiques et sociales, et qui constitue plus de la moitié de la population sénégalaise.